Chronique du documentaire sur Chavela Vargas (2017)
Dernière mise à jour : 17 mars 2021
Voici un documentaire exhaustif sur une artiste complète du XXè siècle, Chavela Vargas, costaricienne adoptée par le Mexique dès les prémices de sa carrière de chanteuse.
C'est en effet après avoir quitté très jeune sa famille, qui ne lui démontrait que trop peu d'amour, que cette rêveuse solitaire va emprunter un chemin de vie consacré entièrement à l'art et à la musique ranchera, ce style originaire du Mexique dont les chansons empathiques teintées de mélodrame expriment la passion ardente et l'amour qui fait mal.
C'est à travers un style fougueux et incarné, une voix déchirante qui fait passer des émotions désespérées, que Chavela Vargas raconte l'amour inconsolable et les meurtrissures. Sa manière d'être sous les projecteurs n'appartenait qu'à elle : c'est en se produisant sur scène avec une bouteille de tequila à la main, un poncho, une guitare et une allure "masculine", que la chanteuse va sacrément bousculer la représentation de la femme mexicaine dans la société de l'époque.
Dans les années 50, une femme qui portait des pantalons était considérée comme transgressive et essuyait de multiples attaques. Or en voyant Chavela Vargas le public reste sans voix. Lesbienne affirmée, avec une vigueur incroyable qui force le respect, elle parvient rapidement à imposer son style dans un environnement très macho, ne se faisant jamais rabaisser par personne.

Grande séductrice, toutes les femmes tombent dans ses bras. L'une d'entre elles sera la peintre Frida Kahlo : Chavela Vargas voit en elle un être merveilleux venu d'ailleurs, une apparition. Leur histoire sera courte mais intense. L'artiste considérait l'amour comme un sentiment fugitif qu'il était difficile de conserver intact.
Le documentaire s'attarde longuement sur son passage à vide, ses années d'errance où elle tombe en ruines, détruite par son alcoolisme. Isolée et désargentée, Chavela Vargas ne chantera plus pendant douze ans. Mais c'est l'amour qui la sauve en 1988, alors que l'envie de revenir sur scène est toujours aussi brûlante.
Dans les années 90, elle part à Madrid, Pedro Almodovar la sollicitant pour venir chanter. Le réalisateur dira d'elle qu'elle est organique.
C'est sur les planches des théâtres madrilènes qu'elle retrouve le goût pour son art et l'incarnation intacte des émotions. Son rêve de chanter dans les plus belles salles de spectacle se réalise : elle se produira à l'Olympia et une fois de retour à Mexico, au Palais des beaux-arts.

Toute sa vie durant, cette artiste passionnée mettra tout son coeur dans l'interprétation de ses chansons. Mourir sur scène était son dernier voeux, toutefois il ne sera pas exaucé.
A 93 ans, en 2012, Chavela Vargas tire sa révérence. Elle aura marqué le public par sa sincérité et une vérité qu'elle exprimait entièrement sur scène, à travers une voix écorchée et authentique.
"Lorsqu'on est sincère on arrive toujours à ses fins...", disait-elle. Chavela Vargas aura eu une belle et longue vie.
Sabrina Piazzi