La peintre Alice Neel à l'honneur au Centre Pompidou
Dernière mise à jour : 5 janv.
Le Centre Georges Pompidou présente jusqu'au 16 janvier l'exposition "Alice Neel, un regard engagé". Alice Neel (1900-1984), artiste peintre américaine longtemps ignorée de son vivant, compte à présent parmi les peintres les plus marquants de l'art américain du XXème siècle.
"I am the Century (Je suis le siècle)" disait Alice Neel.
La peintre originaire de Pennsylvanie s'intéresse tout au long de sa vie aux injustices et aux inégalités, condamnant la ségrégation raciale, comme la discrimination à l'encontre des femmes et des homosexuels. Beaucoup de journalistes de l'époque la présentaient comme féministe ; à cela, elle répondait que ça ne la dérangeait pas, bien au contraire, même si elle n'appréciait pas tellement le terme. Elle préférait dire qu'elle défendait les mêmes droits pour tous. Elle devient, malgré tout, une icône du féminisme de par ses nus féminins peints sans concession.
"J'ai toujours pensé que les femmes devaient s'indigner et cesser d'accepter les insultes gratuites que les hommes leur infligent" - Alice Neel
En 1970, son portrait de la féministe Kate Millett fait la une du prestigieux "Time Magazine". Les années suivantes, elle participe à plusieurs expositions sur les artistes femmes.
Son œuvre a été également taxée de pornographique. Elle peint le nu dans son aspect le plus brut, n'hésitant pas à montrer clairement des sexes féminins et masculins, des corps usés par le temps qui passe ou abîmés par les épreuves de la vie. Elle réalise d'innombrables portraits de toutes les classes sociales, de ses proches mais aussi des personnes ignorées de la société, les cabossés de la vie. Lors d'une interview télévisée réalisée quelques mois avant son décès, elle déclarait : "Cézanne disait aimer peindre les gens heureux à la campagne ; moi j’aime peindre les abîmés à New York".
"En politique comme dans la vie, j'ai toujours aimé les perdants, les outsiders ; cette odeur de succès, je ne l'aimais pas"- Alice Neel.

Alice Neel était l'amie de beaucoup d'artistes de gauche, de marginaux et notamment d'Andy Warhol. Elle réalise, d'ailleurs, un portrait unique de Warhol en 1970. Faisant fi des conventions, d'une certaine moralité et du puritanisme ambiant, elle peint de manière très crue les corps nus, la vieillesse des corps aucunement magnifiée, et met la lumière sur les marginaux, les stigmatisés, comme les membres de la communauté LGBTQ, les noirs, les latinos.
Alice Neel était une artiste en avance sur son temps, avec un humour incisif et une certaine répartie, qui, toute sa vie, a bousculé son époque par sa liberté de pensée. Communiste et progressiste, elle dérange nombre de ses contemporains.
Deux semaines avant d'être emportée par un cancer, elle reçoit chez elle le jeune photographe Robert Mapplethorpe qui réalise un portrait d'elle extrêmement touchant.

"Alice Neel, un regard engagé" est une exposition à découvrir, si ce n'est pas déjà fait, afin de mieux connaître cette peintre avant-gardiste et terriblement actuelle.
Peindre pour Alice Neel est un acte politique de défense des minorités raciales, sociales, sexuelles et des femmes quelles que soient leurs conditions et classes sociales. Un combat plus que jamais d'actualité.
Photos et article : Cédric Cilia