Les Crimes du futur ou l'orgasme des organes
Un nouveau film de David Cronenberg est toujours à souligner.
Le film était présenté en compétition officielle lors du 75ème Festival de Cannes qui vient
de se clôturer.
Le retour du réalisateur canadien était attendu huit ans après son dernier film "Maps to
the Stars". David Cronenberg a écrit le scénario il y a vingt ans. Il imagine un monde dont
toute douleur physique a été éradiquée et où une certaine forme de chirurgie
"orgasmique" est devenue monnaie courante.
Viggo Mortensen incarne un artiste performeur poussant l’art corporel à un niveau jamais
atteint en opérant en public, avec sa complice jouée par la très sensuelle, naturelle et
juste Léa Seydoux, son propre corps étant truffé de nouveaux organes tatoués de
l’intérieur.

L'idée de départ n'est pas inintéressante : dans un futur proche, le corps humain est
l'objet de transformations et de mutations sensuelles. Malheureusement, le film ne
décolle pas et nous plonge à certains moments dans un terrible ennui. Nous perdons
rapidement le fil et le propos. Il y a, de plus, comme un goût de déjà vu. Ridley Scott avait
par exemple déjà traité du sujet des corps organiques et technologiques dans son
"Alien".
Par contre, David Cronenberg avait montré avec réussite l’intervention de
machines/créatures futuristes dans "eXistenZ" et "Le Festin nu".
Ces machines, ici, assistent les humains dans leurs besoins élémentaires : manger,
digérer, dormir.
"Les Crimes du futur" est un film audacieux et ambitieux mais terriblement confus et
décevant, bourré de scènes explicites souvent inutiles n’ayant pour résultat qu’un amas
conceptuel cinématographique.
Mention en revanche à l'esthétique qui est au rendez-vous. David Cronenberg a su
recréer la ville d’Athènes avec beaucoup de mystère (tellement, ceci dit, que l’intrigue
pourrait se dérouler dans n’importe quelle autre ville...) et un côté underground.
La forme du film, l'esthétisation de la mise en scène et la musique particulièrement
immersive l'emportent largement sur le fond, plutôt pauvre et désuet.

Dans ce film, le réalisateur questionne le devenir des corps dans un monde
apparemment dévasté et à court de ressources. Malheureusement, il n'assume jamais
véritablement son propos. Les dialogues sont parfois alambiqués et centrés uniquement
sur l'art performatif et les nouvelles modalités de sexualité. Les personnages, hormis
peut-être celui de Léa Seydoux, ont bien du mal à exister dans ce grand manifeste sur la
beauté intérieure, thème cher au réalisateur.
Le film n'est pas à la hauteur de ce qu'a pu nous offrir David Cronenberg par le passé. On
ressent comme un essoufflement, un manque de créativité dans le scénario, un plaisir
auto-centré. Dommage !
Cédric Cilia
