Pasolini revient au cinéma pour ses 100 ans !
Dernière mise à jour : 9 juil. 2022
Le 5 mars dernier, le cinéaste Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans ! C’est l’occasion de
découvrir ou redécouvrir ses films à partir du 6 juillet pendant l’événement PASOLINI 100
ANS ! Au programme Accatone, Mamma Roma, puis le 20 juillet la rétrospective en 6
films avec La Ricotta, Enquête sur la sexualité, L’Évangile selon Saint Matthieu, Des
oiseaux petits et gros, Œdipe roi et Médée. Et tout cela en versions restaurées !



Quand Sabrina m’a invité à écrire un article sur l’anniversaire des 100 ans de la naissance
de Pier Paolo Pasolini, je pensais que lire sa page Wikipédia et regarder deux de ses
films suffirait. Je n’imaginais pas une seule seconde que j’allais devoir plonger la tête la
première dans l’univers très singulier du cinéaste pour tenter d’écrire un billet sur lui et
son œuvre.
Pasolini, c’est avant tout un poète. La poésie, il l’affectionne tant qu’on la retrouve partout
dans ses films. C’est d’ailleurs l’une de ses premières passions qui ne la quittera jamais.
Il a essuyé de nombreuses critiques et affronté moultes polémiques en parlant des
mœurs de son époque dans sa littérature et son cinéma. Aujourd’hui, il déchaîne encore
les passions : ses écrits sont analysés tant ils dépeignent encore l’actualité et ses scènes
de tournage deviennent des pèlerinages où les fervents admirateurs de son art essaient
de retrouver certains décors de ses films.

Pour entrer dans l’univers de Pasolini, j’ai dû me documenter sur le personnage. J’ai donc
enchaîné les interviews radio de l’époque et visionné des conférences à son sujet.
Je ne connaissais absolument rien de lui.
J’ai commencé par regarder deux de ses plus grands films : Accattone, son premier en
tant que réalisateur et L’Évangile selon Saint Matthieu, son plus gros succès. J’avoue
avoir eu du mal à m’immerger dans ces deux histoires. Peut-être aurais-je dû apprendre
sur la vie de Pasolini avant de visionner ces deux productions. Le novice que je suis n’a
pas su saisir toutes les subtilités du grand cinéaste italien.
Je pense en effet qu’on ne regarde pas un Pasolini comme on regarde un film d’auteur
aujourd’hui au cinéma. À l’instar d’un Godard ou d’un Lelouch, il faut se munir d’une
certaine grille de lecture. Sans quoi, on passe à côté de l’œuvre.
Accattone, son premier film sorti en 1960
Il faut savoir que Pasolini voyait d’un très mauvais œil les changements qui s’opéraient
dans l’Italie d’après-guerre. Né en 1922, il est resté profondément attaché à l’Italie agraire
et populaire. Il était farouchement contre la société de consommation qui se construisait
peu à peu à cette époque et qui uniformisait la pensée collective.
Dans ce film, on peut y voir une Rome qui n’existait plus au moment du tournage (le film a
été tourné à partir d’avril 1960). Il filme donc une Rome où seul existe l’espace poétique : il
y a d’un côté la ville sans ses touristes et ses commerces, mais avec toutes ses règles et
de l’autre la ville isolée du reste du monde où aucune loi n’existe. Chaque plan en noir et
blanc est d’une beauté remarquable. On comprend pourquoi l’auteur développait une
passion pour l’esthétique.

L’histoire d’Accattone (mendiant en français) raconte la vie d’un proxénète qui gagne sa
vie en mettant des filles sur le trottoir, notamment celle qu’il aime. Pour le personnage
principal, être un maquereau est plus digne qu’être un voleur. Et comme le travail lui est
insupportable, il exploite la gent féminine. Jusqu’au jour où il tombe amoureux…
J’ai découvert après la lecture du film que Pasolini aimait le sacré. Et je comprends mieux
pourquoi il a filmé ses personnages, aussi vilains soient-ils, en premier plan. Cela leur
donne une dimension sacrée effectivement, leurs mauvais côtés reflètent même une
certaine innocence à l’écran. La prédominance des paysages donne une couleur
poétique au film. On ne peut sortir de ce film en n’ayant pas été touché par la
photographie des scènes.
La fin du film n’est pas anodine quand on connaît l’histoire de Pasolini. Sans vous la
dévoiler, on découvre un tout autre destin au personnage principal quand il décide enfin
de se ranger.
L’Évangile selon Saint Mathieu, son premier succès en salle en 1964
Ce film est long, plus de deux heures ! Pourtant, on se laisse happer par l’esthétisme des
images, encore une fois. Tourné dans le sud de l’Italie, chaque plan pourrait être une
photo ou une peinture.
On suit ici la vie du Christ, de sa naissance jusqu’à sa mort. Le sacré prend ici toute son
envergure. Les plans sur l’acteur qui incarne Jésus sont magnétiques.
Ce film a fait polémique en Italie lors de sa sortie et a été réprimé par la critique. Tout ce
bruit lui a quand même fait une bonne publicité et L’Évangile selon Saint Matthieu a
rencontré un grand succès dans plusieurs pays européens.

Il faut savoir que Pasolini a connu toute sa vie la polémique ainsi que des procès. Il allait
au tribunal une fois par semaine. Il ne cherchait pourtant pas à choquer, mais comme il
se considérait comme un homme libre, il trouvait normal de parler des mœurs de la
société dans son cinéma.
Pour la petite anecdote, le cinéaste a donné le rôle de Marie à sa propre mère. Sa mère a
toujours eu une grande place dans sa vie : il vivait avec elle jusqu’à ce qu’il soit assassiné
en 1975. Elle reste son plus grand amour avec Ninetto Davoli, un jeune acteur dont il
partagera la vie pendant 9 ans.
Pasolini et la poésie
Son père étant militaire, le jeune Pier Paolo cultive une passion pour le dessin et la
poésie. Ses sujets sont la nature qu’il observe. Lorsqu’il rentre à la faculté des lettres de l
l’université de Bologne, il se fait un groupe d’amis à qui il envoie régulièrement des
poèmes. Il publiera même un recueil de poèmes à compte d’auteur. La poésie ne cessera
de le suivre tout le long de sa vie, tant dans son œuvre littéraire que dans ses
productions cinématographiques. Aujourd’hui, nombre de ses poèmes sont
régulièrement réédités.

Pasolini et le cinéma
Douze longs-métrages, sept documentaires et plusieurs films à sketches. Ses
personnages sont ses porte-paroles tantôt pour dénoncer la bourgeoisie en se rangeant
du côté du peuple (Accattone), tantôt pour se moquer de la crise au sein du Parti c
communiste (Des oiseaux petits et gros).
Le cinéaste connaîtra la polémique de son vivant et ses films prendront une toute autre
dimension après sa mort. C’est ce qui arrive généralement aux artistes en avance sur leur
époque…
Simon Labre
