Portrait de Jenny Bel'Air, créature iconique
Dernière mise à jour : 25 oct. 2021
"Ma vie est douloureuse mais elle est fantastique parce que je vais au bout de ce que je désire : je vis l'absolue différence."
Récemment j'ai fait la connaissance de Jenny Bel'Air, célèbre physionomiste du Palace aux grandes heures du disco dans les années 70 - 80 et icône transgenre des nuits parisiennes.
Jenny Bel'Air est née Alain Sepho, aux origines guyanaises.
Elle est une personne comme je les aime : différente, marginale, assumée.
A l'heure de la grande époque du Palace, elle faisait la pluie et le beau temps à l'entrée du célèbre club parisien. Elle y a côtoyé des personnalités comme Mick Jagger, Grace Jones, Yves Saint Laurent, Karl Lagerfeld, Maurice Béjart, Andy Warhol ou encore le prince Albert II de Monaco.
Pierre et Gilles, qui l'ont bien connue, la décrivent comme une "reine indomptable".

Jenny Bel'Air a connu toutes sortes d'aventures et de mésaventures dès son plus jeune âge. Lorsqu'elle évoque son enfance, elle dit : "J'ai eu une enfance à la Dickens avec tout de même un côté chic !". Elle a su passer au travers de rudes épreuves et imposer non sans mal sa différence : "J'ai toujours accepté d'être une personne controversée."
Je me retrouve dans une phrase qu'elle emploie pour se décrire : "Je suis comme je suis" (elle en fera son credo).
En 2000, elle renoue avec une connaissance de jeunesse, François Jonquet, devenu auteur. L'année suivante, il publie sa biographie : un livre bien conçu et qui se dévore facilement : Jenny Bel'Air, une créature. Il se compose de deux parties, la première est faite de témoignages de personnalités plus ou moins connues (Pierre et Gilles, Caroline Loeb, Bambou, le frère de Jenny...) et la seconde donne la parole à Jenny qui se confie sans pudeur et sans censure, à son image.
Jenny Bel'Air c'est un ton et un humour parfois grinçant. Elle est une personnalité avec un certain franc-parler qui ne lui a pas toujours valu de bonnes réactions, mais elle a aussi un tempérament doté d'une grande sensibilité. C'est entre autres grâce à celui-ci qu'elle a su traverser les épreuves de rejet, d'agressivité et d'irrespect lorsqu'elle était petite, notamment quand elle se faisait appeler "le petit negrio" et lorsqu'on abusa d'elle à l'âge de 9 ans.
Aujourd'hui, Jenny Bel'Air est toujours là, grâce à cette force de caractère qui a su la préserver à une époque des écueils de la drogue. La drogue a emporté nombre de ses amis et connaissances.
Cette force de caractère est parfaitement bien décrite dans le livre qui vient de paraître en poche chez Points. C'est un récit passionnant qui nous apprend à mieux connaître qui se cache derrière Jenny Bel'Air, côté scène et côté vie privée.
"Je déteste être dans la norme, j'y perds toute jouissance à vivre, je ne m'aime qu'en décalée... Je suis née femme, j'ai une sensibilité de femme, je suis femme au plus profond de moi."
"La vie est une putain, mieux vaut la sucer sinon elle te fait des misères."
Jenny "la belle dans l'air", tout un nom qu'elle s'est choisie dans une ville qu'elle affectionne particulièrement : Londres.
J'ai rencontré Jenny en septembre 2020, nous vivions déjà avec le Covid. Lors des confinements successifs, Jenny s'est mise à dessiner. Ses œuvres sont exposées jusqu'au 31 octobre au centre commercial Vill'up à La Villette, Paris 19ème.
Jenny Bel'Air, enfin, c'est aussi une générosité en toute discrétion et un soutien pour ses amis et les personnes qu'elle apprécie dans leurs différentes entreprises.
Elle est un personnage à part entière.
Cédric Cilia
